Tether, l’émetteur de la stablecoin indexée sur le dollar la plus populaire au monde, l’USDT, connaît un grand succès depuis plus de dix ans. Les traders l’utilisent partout, sur toutes les plateformes, des grandes bourses aux petits déx et autres marchés peer-to-peer. Elle est devenue un équivalent numérique largement adopté du dollar américain dans l’espace des cryptomonnaies.
Cependant, au cours des dernières années, la situation a commencé à changer radicalement. Les régulateurs américains et européens ont cessé d’ignorer les stablecoins et ont commencé à s’y intéresser de plus près. Aujourd’hui, des règles détaillées et des exigences de transparence ont été mises en place. Les licences d’utilisation des stablecoins ne sont désormais accordées qu’aux émetteurs qui respectent l’ensemble des nouvelles règles réglementaires. Cela place Tether dans une situation délicate : il doit soit s’adapter, soit risquer d’être réduit à un acteur mineur dans le domaine des cryptomonnaies, qui continue de croître à un rythme effréné. Son principal concurrent, Circle, et son stablecoin USDC, sont actuellement dans une position bien plus favorable que Tether, car ils disposent de nombreuses licences dont USDT ne bénéficie pas.
Tether recrute l’ancien responsable des cryptomonnaies de la Maison Blanche
Aujourd’hui, Tether semble avoir pleinement pris conscience de la situation dans laquelle il se trouve et commence à montrer qu’il est prêt à tout mettre en œuvre pour s’en sortir par tous les moyens légaux possibles. La première étape dans cette direction a été le recrutement récent de Bo Hines comme conseiller stratégique. M. Hines est un ancien directeur exécutif du Crypto Council sous l’administration Trump.
Bien que cela puisse sembler n’être qu’une annonce d’entreprise, cette décision montre en réalité que Tether pourrait enfin se préparer à entrer en politique. M. Hines sait comment naviguer dans les cercles politiques et les couloirs du pouvoir. Selon le communiqué de presse publié sur le site web de Tether, son poste officiel est celui de « conseiller stratégique pour les actifs numériques et la stratégie aux États-Unis ». Cependant, en réalité, il sera chargé de jeter des ponts entre Tether et les législateurs, les régulateurs et les institutions financières de haut niveau.
C’est quelque chose que Tether évite depuis des années, contrairement à Circle. Et maintenant que l’USDC de Circle est en passe d’être légalisé aux États-Unis et en Europe, Tether s’efforce de faire de même. Il n’a pas le choix et doit soit rattraper Circle et obtenir la même reconnaissance, soit voir son activité et l’adoption et l’utilisation de l’USDT diminuer progressivement.
Nouvelles mesures réglementaires pour les stablecoins
L’Union européenne a déjà introduit le cadre MiCA (Markets in Crypto Assets Regulation), prenant ainsi l’initiative en matière de réglementation des stablecoins. Pour toute entreprise souhaitant émettre des stablecoins en Europe, le MiCA impose des conditions strictes : licences, réserves claires et stables, audits réguliers et transparents, surveillance constante, etc. Circle avait prévu ce revirement et a pris soin de positionner l’USDC comme un stablecoin « propre ». À cette fin, elle a créé une entité réglementée en France afin de se conformer à la MiCA. Désormais, l’USDC peut être légalement intégré dans les banques de l’UE et le système financier local.
Tether ne prend pleinement conscience de la situation que maintenant, qu’il considère à la fois comme une menace et une opportunité de croissance rapide. À moins qu’il ne s’adapte, l’USDC remplacera l’USDT sur les bourses et dans les entreprises cryptographiques européennes. De nombreuses bourses européennes ont déjà suspendu le trading de l’USDT en raison de l’absence des licences et autorisations nécessaires. Tether saisit donc cette opportunité pour rester à flot et obtenir un permis d’entrée sur les vastes marchés européens de la cryptographie et de la finance numérique.
Les législateurs américains adoptent le Genius Act
Aux États-Unis, une situation similaire se présente en ce qui concerne l’avenir des stablecoins. Après l’adoption du Genius Act (Guiding and Establishing National Innovation for US Stablecoins Act) au début de l’été, les législateurs américains discutent actuellement de la mise en place d’un cadre fédéral pour les stablecoins. Une fois introduit, ce cadre imposera aux émetteurs des exigences assez strictes.
Il les obligerait notamment à détenir des réserves dans des actifs locaux garantis par l’État, tels que des bons du Trésor américain, à se soumettre à des audits réguliers et à être soumis à un contrôle et à une surveillance stricts, à l’instar des banques actuelles.
L’embauche de Bo Hines montre clairement que Tether est conscient qu’il doit changer radicalement de stratégie dans ce nouveau contexte. Il n’a désormais plus d’autre choix que de convaincre les régulateurs et les législateurs américains qu’il peut être aussi transparent et respectueux de la loi que Circle avec son USDC.
Tether peut-il réellement entrer dans la « zone blanche » ?
La principale question que se posent actuellement non seulement Tether, mais aussi tous les traders, est de savoir si Tether parviendra à relever ce défi. D’une part, l’adoption de l’USDT dans le monde entier est sans précédent. Il s’agit du stablecoin le plus liquide, et il a été intégré dans le trading de cryptomonnaies dans tous les coins du monde où les gens échangent des cryptomonnaies.
Il faudrait une décennie à l’USDC pour atteindre une telle domination dans ce domaine. D’autre part, pour les régulateurs, la réputation est souvent plus importante que la simple adoption. Or, Tether a déjà été condamné à des amendes par le procureur général de New York et a fait l’objet de nombreuses interrogations pendant des années concernant ses réserves réelles. Tout cela joue en défaveur de la reconnaissance potentielle de Tether. Néanmoins, compte tenu de l’orientation actuelle en faveur des cryptomonnaies approuvée par Donald Trump, il s’agirait probablement d’un problème mineur que Tether parviendrait à résoudre.
Quoi qu’il en soit, cette année, tous les regards seront tournés vers les efforts de Tether pour légaliser l’USDT et rester dans la course face à Circle.